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Je m'appelle

Je m'appelle, 2025, Installation, textiles et
broderie, dimensions variables Photo
© Julien Lamarre

Depuis juillet 2022, un décret de loi permet à chacun.e de prendre ou d’ajouter à son nom celui de ses deux parents qui ne lui a pas été transmis, en général le nom de sa mère. J’ai alors décidé d’ajouter le nom de ma mère à mon nom de naissance. Prenant conscience que le nom jeune fille de ma mère est celui de mon grand-père, j’ai commencé les démarches pour que ma mère elle-même prenne le nom de sa propre mère, me permettant ainsi de remonter d’une génération de femmes pour porter le nom de Le Beux, celui de ma grand-mère maternelle. Ayant été confrontée à des blocages familiaux et administratifs, j’ai pris conscience que le patriarcat qui structure notre société est également ancré au sein de chaque famille. J’ai alors débuté un projet d’arbre généalogique « matrimonial » renversant l’ordre patriarcal par la transmission du nom des femmes.
Alors que je m’intéresse depuis longtemps aux transmissions entre les femmes, j’ai pris conscience d’un paradoxe. Les filles commençaient très jeunes à broder leur trousseau avec les initiales de leur prénom et nom de jeune fille dans la perspective de leur futur mariage. Le jour de leur mariage, ce jour même où elles vont perdre leur nom de naissance, elles vont dormir dans des draps qui gardent la mémoire de leur nom de jeune fille par l’initiale qu’elles y ont brodé.
J’ai décidé d’apprendre la broderie pour reprendre dans la lenteur les travaux des jeunes filles et des femmes. C’est un travail très technique et très long. Je l’ai abordé avec les techniques ancestrales en me formant auprès d’une brodeuse, mais également en apprenant à programmer et à broder sur une brodeuse à commande numérique dans le Fab-Lab de Martigues.
Ce projet a été présenté au Centre d’art Fernand Leger de Port-de-Bouc dans le cadre de la résidence Eté culturel 2025 – DRAC PACA avec 7 panneaux. Le premier panneau est brodé de mon prénom et nom de naissance, c'est-à-dire celui de mon père, puis chaque panneau remonte la branche maternelle. Je porte ainsi le nom de naissance de ma mère, puis celui de ma grand-mère maternelle jusqu’à ma dernière aïeule connue à ce moment de mes recherches, Marie Louise Le Nours née en 1778 et décédée en 1837. J’ai brodé sur de vieux tissus épais qui étaient utilisés comme couvre matelas, puis au fur et à mesure des usures, les tissus étaient découpés et rassemblés. Les petits morceaux devenaient des torchons. On peut admirer le travail très méticuleux de réparation.
Le projet va être prolongé car mes dernières recherches généalogiques m’ont permis de faire connaissance avec 6 générations de femmes supplémentaires, remontant ainsi jusqu’en 1610 !
Avec ce projet, Je m’appelle, je questionne l’importance du nom que l’on porte, l’invisibilité des femmes et les transmissions entre femmes
Je remercie chaleureusement toute l’équipe du Fab-Lab de Martigues pour leur aide et leur confiance me permettant de travailler en autonomie sur la brodeuse numérique ; la Drac PACA pour avoir accepté de financer ce projet dans le cadre de l’été culturel 2025 ; le centre d’art Fernand Leger de Port-de-Bouc, Laure et Hélène pour m’avoir fait confiance, accompagnée et soutenue dans ce projet

Photo
© Julien Lamarre

Photo
© Claire Chefdeville